Cette année, je suis des cours de modèle vivant, organisés par l’Ecole d’enseignement supérieur d’Art de Bordeaux (EBABX).
Pendant trois heures, chaque jeudi matin, je retrouve un groupe d’une vingtaine de personnes pour dessiner une personne nue, qui prends la pose devant nous. Avant de commencer, j’avoue que je me posais pas mal de question. J’avais peur d’être mal à l’aise face à la nudité d’une personne. Tous ces a-priori ont été bien vite balayés. Voici mon expérience en 5 questions pratiques.
1 – Pourquoi dessiner des personnes nues ?
La nudité représente l’intérêt d’un corps intemporel. Suivant les postures prises, il est possible d’image l’histoire qui est derrière.
L’autre point est d’éviter des effets visuels liés aux motifs des vêtements. Enfin, c’est une manière de bien situer des repères de base du corps humain : tête, seins, nombrils, entrejambe.
Cet exercice académique est un ‘must’ au travers les âges.
La difficulté, comme pour l’urban sketching, est de dessiner d’après nature, ‘sur le vif’. Dessiner d’après une photo offre une facilité au niveau du cadrage, les traits existent déjà. Quand tu dois dessiner directement d’après une personne ou un objet en 3D présent devant toi, ton cerveau travaille différemment et doit faire l’effort de ‘poser à plat’ l’image.
2 – Est-ce que ça existe des cours de modèle mort ?
Ou pourquoi utilise-t-on l’adjectif ‘vivant’ plutôt que ‘nu’ ?
La formule ‘modèle vivant’ est utilisée pour deux raisons :
- Pour ne pas choquer les non-initiés en disant ‘modèles nus’. A l’évocation même de la nudité, certains peuvent être heurtés. La nudité effraie par la charge érotique ou sensuelle que certains lui portent systématiquement. Or, cette dimension n’est pas du tout présente dans le cours, nous sommes dans une perspective entre l’anatomie et l’art.
- ‘Modèle vivant’ vient également en opposition à ‘nature morte’, un autre exercice de base pour l’apprenti dessinateur au travers les âges.
3 – Quelle est l’ambiance du cours ?
La salle est configurée de la manière suivante : au centre une scène où pose le modèle ; tout autour les tables où les élèves s’installent.
Les participants ont des profils variés (et quand je dis profil, je ne parle pas de leur nez, tu l’as compris). Au niveau des âges, cela va d’une vingtaine à une soixante d’année. Les femmes sont majoritaires, la proportion est d’environ 3 ou 4 hommes, pour 20 / 25 participants. Les niveaux et les motivations sont variées : certains sont étudiants (en architecture par exemple). Certains dessinent depuis plus d’une dizaine d’années, d’autres, comme moi, débutent dans cette technique. Ce joyeux mélange de personnes et personnalités apporte une richesse au groupe. On apprend des uns et des autres.
Le ou la modèle (plus souvent des femmes) prend la pose de son choix. Et nous nous lançons tous dans notre ébauche.
Le prof circule, il passe d’élève en élève et donne des conseils. Il montre les erreurs commises sur nos esquisses. Il redresse quand c’est possible les points qui ne sont pas corrects.
Le poste diffuse Radio classique. Vers la moitié du cours, nous partageons gâteaux, gourmandises et café.
Chacun observe le travail des autres participants. Les jugements sont bienveillants. Voir les esquisses des autres donne des idées. C’est amusant aussi de voir la même pose dessinée par chacun : on a une vue sous tous les angles, puisque nous encerclons le modèle.
4 – Combien de temps le modèle reste-t-il immobile ?
Jusqu’à présent, dans mon expérience, le modèle reste statique entre 5 à 15 minutes. Souvent il/elle accepte de prolonger un peu à la demande des élèves. Pendant ce délai, il est possible de réaliser plusieurs esquisses rapides au crayon, ou d’apporter des détails.
L’exercice est de capter les proportions, l’enchevêtrement des différentes parties du corps. Il s’agit d’une approche sous forme d’esquisse, d’ébauche. Le travail n’a pas vocation à être abouti.
5 – Le modèle n’a-t-il pas trop froid ?
Les températures se sont rafraichies, et la salle est grande. Pour limiter le froid, le modèle est entouré de chauffages d’appoint. Mais malgré tout, je pense qu’il ne fait pas très chaud. Une modèle a gardé ses chaussettes pendant la séance. Au final, ce petit détail ne change pas la donne en terme de prise de croquis, puisque le prof nous demande de schématiser au maximum la tête, la masse des cheveux, les mains et les pieds.
As-tu d’autres questions sur le sujet ?
J’avais parlé de la nudité au travers de l’Histoire de l’art, dans cet article ‘tout nu et pas bronzé’.
Pour un autre témoignage sur le dessin de modèle vivant, je te propose de lire celui de Max Royo.