Peut-on vendre son art comme des petits pains ? Est-ce vraiment le rêve de tout artiste ?
L’art est un marché du produit unique. Donc la loi de l’offre et la demande semble impossible à apprécier. Pourtant, même si chaque œuvre est unique, lorsqu’une personne décide d’acheter un tableau original, elle aura devant elle un choix important.
Et si pour vendre plus, il fallait baisser les prix ? Trop baisser les prix conduirait à ne pas pouvoir octroyer une rémunération suffisante pour l’artiste.
J’ai amorcée cette réflexion dans cet article de fixer ses prix de ventes en fonction d’un revenu cible et de ses possibilités de production.
Aujourd’hui, j’ai envie continuer la démarche en évaluant le coût d’un tableau en terme de matières premières, comme le fait un boulanger pour fixer le prix de ses produits.
Comprendre le prix d’une baguette
Une rapide recherche sur Internet permet facilement de savoir comment est composé le prix d’une baguette chez un boulanger :
- 22 % pour les ingrédients
- 48 % pour les salaires
- 6 % pour les taxes
- Le reste en matériel, énergie pour la cuisson, loyer et charge ainsi qu’au résultat net de la société.
Ces éléments nous serviront de base pour la suite de la démonstration. En faisant très simple, le prix d’une baguette représente quatre fois le prix des matières premières.
Le coût d’un tableau en matières premières
Tout d’abord, j’évalue le prix des matières premières pour un tableau de dimension 50 x 50 cm :
- Toile en lin sur châssis, déjà apprêtée. 50 x 50 cm. -> 23,50 € (hors promotion, sur le Géant des Beaux Arts).
- Peintures. Pour cette surface, je vais compter 1 ou 2 tubes de peintures. En réalité, il est assez difficile d’évaluer la quantité de peinture pour un tableau. C’est variable suivant les éventuels remords, les effet réalisés. Surtout, on n’utilise pas seulement 2 nuances de couleurs, mais une multitude. Cependant, avec 2 tubes de peintures, je suis large. J’utilise principalement de la peinture Liquitex Heavy Body (extra fine), le tube de 59mL a un prix compris entre 5,90 € et 9,35€ (sur le site du Géant des Beaux-Arts, en 2016). Pour faire simple, je vais compter 10 € de peinture.
- Vernis. Un flacon de vernis coûte 6,95€. En appliquant 2 couches, j’estime que les 75 mL du flacon me permettent de vernir 5 tableaux. Nous avons donc un coût de 1,40€ pour un tableau.
S’ajoutent ensuite des éventuels médiums, pour donner de la matière, ou des effets à la peinture. Mais disons qu’ils sont inclus dans le coût de la peinture.
Nous arrivons donc à un coût total de matière première de 34,90€.
Suivant la méthode des ‘petits pains’, qui me permettra de prendre en compte les autres coûts (investissement matériel, atelier, et le temps passé etc), je vais multiplier ce coût par 4. Le prix de vente du tableau de dimension 50 x 50 cm est alors de 139,60 €.
Une ellipse invraisemblable ?
Cette approche permet d’avoir une estimation rapide. La démonstration est simpliste. Bien entendu, l’artiste n’est pas un boulanger :
- Les investissements du boulanger ne sont pas négligeables (pour le pétrissage, le four, la présentation des produits etc), ceux de l’artiste peintre sont moins onéreux (chevalet, palette, pinceaux, pour aller à l’essentiel).
- Les deux doivent faire face à un loyer, soit de leur boulangerie, soit de leur atelier.
- Les taxes sont présentes dans les deux cas.
- Le boulanger doit, pour assurer la vente de ses produits, employer du personnel. Pour l’artiste différentes solutions s’offrent à lui (vente directe, galerie etc).
- L’écart est important entre le temps passé par le boulanger pour réaliser une baguette, avec celui du peintre pour peindre un tableau.
Et cette liste est bien entendue incomplète.
Si je m’en réfère au montant trouvé suivant une autre approche, le tableau 50 x 50 cm avait été fixé à 100 €, soit 40€ de moins. La différence n’est pas négligeable et montre la fragilité de l’estimation.
En conclusion : artisanal VS artistique ?
Il apparaît très réducteur d’imaginer vendre son art comme on vend des petits pains. Pourtant, le prix ainsi trouvé nous donne le prix d’un tableau artisanal. Et après tout, la peinture artisanale existe. Elle est souvent dénigrée et boudée par les collectionneurs et amateurs avertis, mais elle peut remplir une joyeuse fonction de décoration, qui n’a rien de dévalorisant.
Les prix dans l’art semblent s’envoler. Les facteurs ‘coup de cœur‘ ou ‘côte de l’artiste‘ sont systématiquement évoqués pour justifier le prix d’un tableau. Je tente de prendre les choses rationnellement, et donc à contre-courant. Mais ces indications vous aident certainement à mieux comprendre ce qui se cachent derrière le prix d’un tableau.
Pour continuer sur la question de ‘vendre son art’ :
- Un précédent article, où je pars du salaire mensuel souhaité pour fixer les prix de vente de tableaux.
- Gween Seemel propose aussi une analyse pour fixer le prix de vente de son art sur son blog.
Cet article est illustré par le processus de création du tableau ‘les clés”.